Bois des Caures

  Le bois des Caures

Avant l’attaque, le bois des Caures est tenu par le lieutenant-colonel Émile DRIANT et ses 1200 chasseurs du 56e BCP, commandé par le capitaine VINCENT et du 59e BCP, commandé par le commandant RENOUARD. Depuis plusieurs semaines, les deux bataillons se relaient en première ligne. DRIANT, qui pressent une attaque imminente, a renforcé ses positions.

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Le 20 février 1916, DRIANT écrit dans l’une de ses dernières lettres à sa femme : « L’ordre du général BAPST, que je t’envoie, la visite de JOFFRE hier, prouvent que l’heure est proche et, au fond, j’éprouve une satisfaction à voir que je ne me suis pas trompé en annonçant il y a un mois ce qui arrive, par l’ordre du bataillon que je t’ai envoyé.
À la grâce de Dieu ! Vois-tu, je ferai de mon mieux et je me sens très calme. J’ai toujours eu une telle chance que j’y crois encore pour cette fois.
Leur assaut peut avoir lieu cette nuit comme il peut encore reculer de plusieurs jours, mais il est certain. Notre bois aura ses premières tranchées prises dès les premières minutes, car ils y emploieront flammes et gaz. Nous le savons par un prisonnier de ce matin.
Mes pauvres bataillons si épargnés jusqu’ici ! Enfin, eux aussi ont eu de la chance jusqu’à présent…
Qui sait ! Mais comme on se sent peu de chose à ces heures là ! »

Situation stratégique

Le bois des Caures occupe une légère hauteur, orientée du sud-ouest au nord-est.
Long de 3 km, large de 800 m, il domine au nord la ligne de front, au-delà de laquelle se trouvent Flabas et Ville-devant-Chaumont. C’est vers celles-ci que se dirigent les deux branches de la route qui vient de Verdun en passant par Vacherauville et la ferme Mormont.
La bifurcation, dans le bois, est un point essentiel du terrain. Le bois des Caures est encadré à l’ouest par le bois d’Haumont, à l’est par le bois de Ville et l’Herbebois.

Positions du bois des Caures

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Le Bois des Caures dans les affrontements de 1916.

Le bois des Caures se trouve à la charnière des deux divisions du 30e corps d’armée du général CHRÉTIEN.

  • À l’ouest, la 72e division d’infanterie du général BAPST tient le secteur qui s’étend de la Meuse à la route de Ville-devant-Chaumont.
    Sa brigade de droite (143e, colonel VAULET) dispose de deux bataillons (des 165e et 362e régiments d’infanterie) dans le bois d’Haumont, et le groupement Driant dans le bois des Caures.
  • À l’est, la 51e division d’infanterie se trouve en ligne entre la route de Ville et la région du bois de Maucourt.
    Sa brigade de gauche (général ROGERIE) a un bataillon (du 164e régiment d’infanterie) dans le bois de Ville, et un bataillon renforcé (164e régiment d’infanterie et 2 compagnies du 243e régiment d’infanterie) dans l’Herbebois.

La Ve armée allemande dans le secteur de Verdun en 1916

Le dispositif allemand comprend trois corps d’armée :

  •  À l’ouest, le VIIe corps de réserve qui doit enlever le bois d’Haumont,
  • Au centre, le XVIIIe corps qui prend pour objectif, le bois des Caures,
  • À l’est, le IIIe corps qui doit attaquer le bois de Ville et l’Herbebois, puis pousser sur Douaumont.
L’organisation tactique

Le 21 février 1916, entre 6 heures et 7 h 15, (l’heure de l’attaque diffère en fonction des jmo des premières lignes), la 21e division allemande du XVIIIe C.A Hessois, attaque le bois des Caures avec l’équivalent de quatre régiments.
12 bataillons d’infanterie, soutenus par 40 batteries d’artillerie lourde, 7 batteries de campagne et 50 Minenwerfers (mortier de tranchée), ont déversé un total estimé à 70 000 obus sur la position, soit un secteur qui ne fait que 1300 mètres sur 800 mètres. Dés 10 heures, le bois est impraticable, le sol est truffé de trous d’obus. On ne saura jamais avec certitude combien de chasseurs ont survécu à cet ouragan de feu et d’acier.

PC du lieutenant-colonel DRIANT au bois des Caures

pc_driant

Extrait du jmo du 56eBCP au moment de l’attaque :
21 février,
À 6 h 30, l’ennemi déclenche un violent bombardement sur toutes les positions de 1ère et 2e lignes, sur toutes les batteries de position, sur les routes, sur les carrefours, les cantonnements.
Sur les premières lignes, il n’emploie aucun obus asphyxiant mais, en revanche, presque tous ceux qui tombent au-delà sont lacrymogènes.
Ses intentions offensives sont manifestes ; les renseignements fournis depuis janvier par nos postes d’écoute (Mal des logis MICHELET), par les déclarations des prisonniers et l’aménagement visible de larges ouvertures dans les réseaux (compte-rendu du capitaine BERVEILLES, le 17 février) indiquent nettement le but vers lequel l’effort allemand va tendre et quels formidables moyens matériels il compte mettre en œuvre pour parvenir rapidement à ses fins…

Extrait du jmo du 59e BCP au même moment :
18 février,
Le bataillon quitte ses cantonnements de repos des fermes de Mormont et d’ Anglemont et du camp du « capitaine Flamme » pour aller relever le 56e Baton sur ses emplacements du Bois des Caures.

6 h 30, relève terminée sans incident…
21 février,
7 heures
La situation du bataillon est la suivante :

  • G.G.I (grande garde), de R2 à tranchée 7, S1, S2, S3, S4, commandée par le capitaine VIGNERON (10eCompie),
  • G.G.II, tranchée 8 à tranchée 12, S6, S7, S’7, commandée par le lieutenant ROBIN(9eCompie),
  • G.G.III et IV, tranchées 13 à 17, S8, S’8, S9, commandée par le capitaine SEGUIN(7eCompie),
  • Ligne des R
    • R2, (poste de commandement) 2 sections et demie de la 8e Compie (lieutt SIMON), section de pionniers et agents de liaison (s/lieutt LEROY),
    • R3, demi-section de la 8e compagnie,
  • Mitrailleuses
    • 1 pièce à tranchée 17,
    • 1 pièce à S’9,
    • 2 pièces à R2,
    • 2 pièces à R3,
    • 2 pièces à E5,
  • 1 section de la 8e Compie (s/lieutt MALAVAULT) occupe E5, en soutien d’une batterie d’artillerie lourde,
  • Effectif combattant du bataillon 850.

7 h 15
Un bombardement d’artillerie de gros calibre se déclenche…
L’intensité du feu se fait de plus en plus vive jusqu’à 17 heures.
Au cours du bombardement, un obus écrase un nouvel abri à R2, abri sous lequel s’étaient réfugiés 14 travailleurs qui tous furent tués ou blessés… »
Sachant que l’heure du sacrifice a sonné, Driant paraît au milieu de ses chasseurs qu’il ne quittera plus.

À 17 heures, l’artillerie s’arrête quelque temps, puis reprend en allongeant le tir, c’est l’attaque rapide. Une poignée de chasseurs émerge des abris et s’apprête à combattre. Ils ont les yeux rougis, les yeux hagards, les explosions les ont rendus sourds, beaucoup sont blessés, la plupart de leurs armes sont hors d’usage, certains n’ont plus que des grenades et leur baïonnette. Alors que les canons continuent à pilonner la zone située derrière le bois, les colonnes d’assaut allemandes, lance-flammes en tête, entreprennent leur progression parmi les arbres déchiquetés du bois des Caures. Ce sont des éléments de la 42e brigade de la 21e division, emmenés par cinq détachements de pionniers et des équipes de lance-flammes.

Le jour baisse et il commence à neiger. Pas plus d’un quart des chasseurs a survécu au bombardement, mais ils s’accrochent au terrain. Les Allemands réussissent malgré tout à se rendre maîtres de quelques positions en première ligne. Les chasseurs de lieutenant ROBIN contre-attaquent pendant la nuit pour reprendre un poste perdu. Quelques autres tirent jusqu’à ce qu’ils n’aient plus de munitions.

Le 22 février 1916, l’ennemi bombarde à nouveau le bois. À 12 heures, l’artillerie se tait, les chasseurs reprennent leurs positions. DRIANT se tient au milieu de ses hommes. Tous les arbres du bois des Caures ont pratiquement disparu. Vers 13 heures, les Allemands attaquent en force, emportant l’un après l’autre les postes et les abris. DRIANT, du haut de son PC, joue le sniper et compte les ennemis qu’il abat.

Vers 16 heures, alors qu’il ne lui reste qu’une petite centaine d’hommes, il entend des tirs d’obus par son arrière et il comprend qu’il est contourné. Il brûle ses documents, fait un tour à son poste de secours pour réconforter les blessés et évacue son poste de commandement. Après consultation de ses officiers et pour ne pas être fait prisonnier, DRIANT décide de se retirer en arrière du bois. Quatre groupes s’organisent ; le groupe du colonel comprend la liaison et les télégraphistes. Chacun s’efforce de sauter de trou d’obus en trou d’obus, cependant qu’une pièce allemande de 7,7 cm tire sans arrêt. Le colonel marche calmement, le dernier, sa canne à la main. Il vient de faire un pansement provisoire à un chasseur blessé, dans un trou d’obus, et continue seul sa progression lorsqu’une balle l’atteint à la tempe. Il tombe en criant « Oh! là, là, mon Dieu ! » Les chasseurs ont perdu 90 pour 100 de leurs effectifs, mais leur résistance a retardé de façon décisive la progression allemande.

Endroit où DRIANT a été tué, lors de sa retraite vers Beaumont

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DRIANT fut inhumé par les Allemands au côté du commandant RENOUARD. On voit encore aujourd’hui l’emplacement de sa tombe ainsi que la stèle qui indique l’endroit où il a été abattu.

Endroit où les Allemands ont inhumé DRIANT et RENOUARD

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Il repose maintenant avec quelques-uns de ses chasseurs sous le monument qui borde la route du bois des Caures.

Monument aux chasseurs de DRIANT, au bois des Caures

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Il reste encore de nos jours de nombreux vestiges qui témoignent de l’importance des préparatifs avant la bataille. On peut voir par exemple de nombreuses tranchées dont les plus spectaculaires se trouvent du côté allemand. Elles sont bien plus profondes et plus sinueuses que ne le sont celles du côté français.
Ainsi en parcourant la lisière du bois du Miroir et celle du bois Juré, on découvre un énorme réseau de tranchées sinusoïdales, sur plusieurs lignes et jalonnées d’ouvrages bétonnés.

Tous les ans, aux environs des 21 ou 22 février, une cérémonie qui se tient devant le monument des chasseurs de DRIANT, réunit autour des personnalités publiques et militaires de la région, d’anciens chasseurs, d’anciens combattants, une compagnie de chasseurs d’active, quelques personnes françaises et allemandes en tenue d’époque ainsi qu’une harmonie.
Honneurs sont rendus à ceux qui combattirent pour leur pays et qui se sacrifièrent pour la Patrie. Plusieurs gerbes de fleurs sont déposées au pied du monument par les différents représentants des autorités civiles et militaires françaises. Une gerbe est également déposée par un représentant des soldats allemands, (supprimé depuis 2010) en mémoire des valeureux soldats français du bataillon d’acier qui leur ont vaillamment tenu tête.

Reconstituants français et allemands, en février 2009, lors de la cérémonie du bois des Caures.

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Sources :

  • « Verdun » de J.PERICARD
  • « Les 300 jours de Verdun » de J.P. TURBERGUE
  • jmo des 56e et 59e B.C.P.
  • jmo des 51e et 72e D.I.

15 réflexions sur « Bois des Caures »

  1. Mon arrière grand pere etait un chasseur de Driant.
    Le sergent pierre brasme. Il a été fait prisonnier le 22 février au bois des Caures.
    Il était au 56eme bataillons de chasseurs a pied depuis le début du conflit.

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  2. mon arriere grand-pere à été blessé au bras et à la machoire par un obus enseveli ,il resta plusieurs heures inconscient, avant que des brancardiers viennent le chercher au bois des Caures le 21 février 1916.Son nom Desjardin Constant il été mitrailleur dans un régiment de chasseur;p ourriez vous m’indiquer son régiment? MERCI

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    1. Apparemment, il n’est pas « Mort pour la France », on ne retrouve donc pas son nom ni les informations qui le concerne sur Mémoire des hommes. Il me faudrait sa date de naissance et son lieu de domicile au moment de ses 20 ans pour avoir accès à sa fiche matricule sur laquelle tout est en principe noté.

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      1. Bonjour,
        Il a vraisemblablement été blessé au début de la bataille de Verdun. Le 56e BCP tenait le bois des Caures les 21 et 22 février 1916. Les survivants ont reflué vers Beaumont-en Verdunois ensuite.

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    2. Deux bataillons de chasseurs à pied tenaient le bois des Caures ce 21 février 1916 ; les 56e et 59e BCP. Votre AGP servait forcément dans l’un de ces bataillons. Ils étaient commandés par le lieutenant-colonel Émile Driant.

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  3. Bonjour, Je découvre votre site… bravo de maintenir ce souvenir.
    L’aïeul de ma compagne fait partie du peu qui ont survécu du Bois des Caures…
    Le registre militaire stipule:  » Disparu le 22.2.1916 au Bois des Caures – Avis du Corps le 14.03.1917 – Mis en congés illimité le 29.03.1919″…
    Il s’est éteint en juillet 1957 à Roubaix.

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  4. L’extraordinaire résistance des Chasseurs au Bois des Caures, après un tel déluge d’artillerie, seuls, sans renforts et sans ravitaillement contre un ennemi infiniment supérieur en nombre, ne peut pas s’expliquer autrement que comme un miracle.
    Je ne sais pas si ce miracle a permis ensuite de sauver Verdun, mais en tout cas il préfigurait ce qu’allait être la résistance de toute l’armée française pendant les trois cents jours de cette titanesque et infernale bataille.

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  5. Merci pour votre site. En ce jour de centenaire, un témoignage concernant mon arrière grand-père, le caporal-fourrier Petit au 362ème RI 22ème compagnie. Le 22 février 1916 vers 15h, il accompagne un capitaine en mission de reconnaissance et remonte de Samogneux vers Hautmont. Il a disparu dans le ravin d’Hautmont sous les rafales d’artillerie lourde.

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    1. Merci pour vos encouragements et pour votre témoignage. Avez-vous lu le récit des combats du bois d’Haumont ? Vous trouverez la page en sous-menu Rive droite.
      Si vous avez besoin d’informations, n’hésitez pas.
      Cordialement,
      Alain

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      1. Oui, j’ai lu -après avoir posté mon commentaire- votre page très émouvante sur Haumont. J’ai un témoignage sur la journée du 20 février au camp de Samogneux. En 1919, un homme y ayant rencontré ce jour-là mon aïeul a écrit une lettre à mon arrière-grand-mère. Ils avaient parlé de leurs familles, échangé des nouvelles sur des connaissances. Ils ne s’attendaient pas à l’enfer des jours suivants, leur inquiétude concernait surtout leur famille, en zone envahie, dont ils n’avaient plus de nouvelles depuis des mois.
        Merci encore pour votre site.
        Cordialement,
        Sylvie

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  6. J’ai visité ce site du Bois des Caures avec mon mari dont le grand père a fait parti de la dizaine de soldats qui sont sortis vivant de cet enfer, mais fait prisonniers par les allemands. Il était, je crois, l’ordonnance du Colonel DRIANT, Il a vait été blessé, et avait un rein éclaté suite à un coups de crosse de fusil. Il revenu En France à la fin de la guerre mais n’a pas vécu très longtemps ensuite.

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  7. Ping: 566/journal du 20 février 1916: le lieutenant-colonel Driant de Neufchâtel-sur-Aisne écrit à sa femme | 1914-1918: Reims dans la Grande Guerre

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